En pleine Conférence Africa Road Builders à Dubaï, la Banque africaine de développement a annoncé un recentrage stratégique de ses investissements dans les transports. Désormais, le rail devient une priorité, en lieu et place des routes.
Acteur incontournable du financement d’infrastructures en Afrique, la Banque africaine de développement (BAD) revoit sa feuille de route. Elle délaisse progressivement les projets routiers au profit d’investissements dans le ferroviaire, jugé plus durable, moins polluant et plus rentable. Une orientation stratégique révélée ce jeudi à Dubaï, lors de la première journée de la Conférence inaugurale de l’Africa Road Builders-Trophée Babacar Ndiaye.
Lors de sa présentation, Maïmouna Ndiaye Diop, spécialiste en chef des infrastructures à la BAD, a confirmé cette transition. « La part des projets routiers dans notre portefeuille est passée de 85 % à 60 %. Nous opérons un changement clair vers le rail », a-t-elle déclaré.
Une nouvelle vision pour des transports plus verts
Le rail, longtemps délaissé en Afrique en raison de multiples défaillances (gouvernance, vétusté, manque de financement), retrouve aujourd’hui une place centrale dans les politiques publiques. La BAD s’inscrit dans cette dynamique avec une volonté d’équilibrer ses interventions tout en encourageant des modes de transport respectueux de l’environnement.
En plus de réduire la pression sur les routes, le ferroviaire présente de solides avantages comparatifs. Le coût au kilomètre pour la réhabilitation d’une voie ferrée est inférieur de 50 % à celui d’une route bitumée à deux voies. Sa durabilité est également plus importante, les rails nécessitant des travaux majeurs tous les 15 à 20 ans, contre 7 à 10 ans pour les routes.
Sur le plan écologique, le train consomme moins d’énergie et génère moins d’émissions de carbone par tonne transportée. Les gains environnementaux peuvent atteindre 80 %, selon les estimations présentées lors du Forum sur le financement du rail organisé à Dakar il y a deux ans.
Des projets majeurs déjà lancés
Entre 2022 et 2024, la BAD a financé 30 projets de corridors pour un total de 7,23 milliards de dollars, dont quatre concernent spécifiquement des lignes ferroviaires. Parmi les initiatives phares, figure la construction de la ligne à écartement standard du Corridor Central (Tanzanie, Burundi, RDC), soutenue par une garantie partielle de crédit de 696 millions de dollars.
La BAD accompagne également des projets stratégiques comme le pont routier-ferroviaire Brazzaville-Kinshasa, ou encore le Train Express Régional (TER) du Sénégal, l’un de ses investissements majeurs.
Plus récemment, la banque panafricaine a réaffirmé sa volonté de soutenir la réhabilitation de la ligne Dakar-Tambacounda. « Nous avons reçu une demande officielle de l’APIX et discuté du projet avec les autorités sénégalaises », a précisé Mme Diop.
Vers une intégration multimodale
Ce virage ferroviaire ne signifie pas l’abandon total des routes. La BAD maintient son soutien à certains projets routiers, notamment dans une logique d’intégration multimodale. À titre d’exemple, le port de Sendou pourrait bientôt être relié à la fois au réseau routier et ferroviaire, selon les plans en cours d’élaboration.
En plaçant le rail au cœur de sa stratégie, la BAD veut ainsi contribuer à bâtir un réseau de transport africain plus équilibré, plus vert et plus résilient, au service du développement économique du continent.