Alors que le Congo affiche des avancées notables en matière de liberté de la presse, l’organisation Journalisme et Éthique Congo (JEC) dresse un constat préoccupant : manque de financements durables, marginalisation de la presse écrite, montée d’une information numérique incontrôlée. À la veille du 3 mai, elle appelle à des mesures concrètes pour sauver un secteur en pleine mutation.
La République du Congo n’a enregistré aucun journaliste emprisonné ou tué pour ses écrits ces dernières années. Une réalité saluée par l’organisation professionnelle Journalisme et Éthique Congo (JEC), qui y voit une « avancée majeure ». Mais ce climat d’apparente stabilité cache un malaise profond, que le directeur exécutif de JEC, Arsène Sévérin, a tenu à mettre en lumière lors d’une conférence de presse tenue le 2 mai à Brazzaville.
Selon lui, la liberté d’informer reste fragilisée par « la pression de prédateurs encore bien présents dans les coulisses de la vie publique ». Des journalistes subissent encore des intimidations, des convocations arbitraires ou la marginalisation, obligeant JEC à intervenir en médiateur. « L’heure de la censure est censée être dépassée, mais certaines pratiques rappellent une époque qu’on croyait révolue », avertit-il.
L’intelligence artificielle : alliée ou menace ?
Cette année, la Journée mondiale de la liberté de la presse est placée sous le thème « Informer dans un monde complexe », avec un focus sur l’intelligence artificielle. Si le JEC reconnaît les bénéfices de l’IA pour la collecte et la vérification de l’information, elle invite à la prudence. « Le journaliste n’est pas un automate. Il a une conscience, des repères, une éthique », rappelle Arsène Sévérin, appelant les professionnels à intégrer ces outils sans renoncer à leur sens critique.
Un paysage médiatique en mutation et en danger
La presse écrite est la grande perdante de la décennie. Entre crise économique persistante et effondrement des ventes, elle ne subsiste à Brazzaville qu’à travers une poignée de titres. « C’est une extinction silencieuse à laquelle nous assistons », regrette Rosie Pioth, chargée de communication de JEC.
La montée des médias en ligne pourrait être une alternative, mais elle reste anarchique : « Nombre d’entre eux sont lancés par des jeunes sans formation, poussés par le chômage. Une partie est motivée non par l’information, mais par l’argent facile », déplore Rosie Pioth.
Une presse libre a besoin d’un soutien régulier

La suppression récente de la redevance audiovisuelle pourrait être une opportunité, selon JEC, si le nouveau Fonds d’Appui aux organes de presse est bien géré. L’organisation appelle à l’instauration d’un mécanisme transparent, à travers une commission indépendante et la nomination d’un régisseur.
« Sans argent, il n’y aura pas de presse libre. L’État doit inscrire cette aide dans le budget, la rendre légale, régulière, et non plus dépendante d’enveloppes politiques », réclame le JEC, qui interpelle le Premier ministre sur les promesses non tenues du 3 mai 2024.
Enfin, Journalisme et Éthique Congo lance un message clair à tous les journalistes : l’engagement pour défendre le métier passe aussi par l’adhésion aux structures professionnelles. « Nous ne pouvons continuer à nous battre pour des confrères qui ne s’inscrivent nulle part. Il est temps de nous renforcer collectivement », conclut l’organisation.