À l’occasion de la Journée internationale pour le soutien aux victimes de la torture, cinq organisations congolaises de défense des droits humains interpellent les autorités à travers un mémorandum. Elles dénoncent la banalisation des actes de torture en République du Congo et formulent des recommandations pour lutter efficacement contre cette pratique.
Alors que le monde entier commémore ce 26 juin la Journée internationale pour le soutien aux victimes de la torture, la République du Congo est une fois de plus confrontée à l’épineuse question de la persistance de cette pratique dans les lieux de détention. Dans un mémorandum conjoint, plusieurs organisations de la société civile ont dénoncé l’impunité et le silence qui entourent encore trop souvent les actes de torture infligés aux citoyens congolais.
L’Observatoire Congolais des Droits de l’Homme (OCDH), le Forum pour la Gouvernance et les Droits de l’Homme (FGDH), le Mouvement Ras Le Bol (RLB), le Cercle pour les Droits de l’Homme et le Développement (CDHD) et l’Association pour le Respect du Droit des Populations Autochtones (ARPA2DH), regroupés au sein du Consortium CAPGED, dressent un tableau alarmant de la situation.

Les commissariats de police, brigades de gendarmerie, la Centrale d’Intelligence et de Documentation (CID) ainsi que d’autres lieux de détention sont pointés du doigt comme des lieux où la torture est devenue une méthode systématique d’interrogatoire.
Des noms résonnent comme de tristes symboles : Mbe Filgui, Bilengue Stéphane, Moussa Djibril… Les cas récents d’Abed Nego Eboué Ngayo, mort dans une cellule du commissariat de Ngo, ou encore celui de Lassy Mbouity, leader politique séquestré, torturé et laissé pour mort, rappellent l’ampleur de ce phénomène.
La République du Congo est pourtant partie prenante à la Convention des Nations Unies contre la torture depuis 2003 et a ratifié le protocole facultatif (OPCAT). Elle s’est ainsi engagée à prévenir et réprimer la torture sur son territoire. Mais plus de vingt ans après, le Code pénal congolais ne contient toujours aucune disposition spécifique sur la torture. Celle-ci est encore assimilée à de simples « coups et blessures volontaires », réduisant la gravité des faits et l’ampleur des peines.
« Le gouvernement doit traduire ses engagements internationaux en actes législatifs concrets. Il ne peut y avoir d’excuses face à la souffrance humaine infligée sciemment », plaident les signataires du mémorandum.
DES RECOMMANDATIONS CLAIRES ET CONCRÈTES
Pour sortir de ce cycle de violence et d’impunité, les organisations signataires du mémorandum adressé à la Commission nationale des droits de l’Homme, au commandement de la police et à la gendarmerie, formulent plusieurs recommandations urgentes :
– L’adoption d’une législation spécifique instituant le crime de torture et définissant des peines à la hauteur des actes commis.
– L’intégration d’un enseignement sur l’interdiction de la torture dans les écoles de formation des forces de sécurité.
– La mise en place du Mécanisme national de prévention de la torture (MNP), comme prévu par le protocole OPCAT.
– L’ouverture d’informations judiciaires pour les cas documentés, notamment ceux survenus à Ngo.
– La mise en œuvre d’un mécanisme indépendant de surveillance des pratiques policières et pénitentiaires.
Les organisations de la société civile se disent prêtes à collaborer avec les institutions publiques pour enrayer définitivement cette pratique inhumaine. « Il est temps que les lieux de détention cessent d’être des antichambres de la mort ou de la mutilation », soutiennent-elles, tout en appelant la Commission nationale des droits de l’Homme à jouer un rôle moteur dans cette lutte.
Ce 26 juin 2025 est donc, au-delà de la commémoration, une date de mobilisation. Une journée pour rappeler que la torture n’est pas une méthode acceptable, mais un crime. Et que, pour être crédible, l’État congolais doit faire preuve de volonté politique et d’engagement réel pour que justice soit faite et que plus jamais, la douleur infligée ne reste impunie.