À Brazzaville, la société turque Albayrak, chargée de la collecte des déchets, affiche des résultats exemplaires dans le centre-ville. Mais au-delà des grandes artères et des bâtiments administratifs, les quartiers populaires étouffent sous les ordures, révélant une gestion inégale de l’assainissement urbain.

Chaque matin, avant même que la ville ne s’éveille, les camions et les balayeurs de la société Albayrak s’activent dans le centre de Brazzaville. Les avenues principales, les abords des ministères, des commerces et des hôtels sont nettoyés avec soin. Le cœur administratif et commercial de la capitale resplendit, donnant à voir l’image d’une ville moderne et bien entretenue.
Mais derrière cette façade impeccable, la réalité est tout autre dans les quartiers périphériques. À Mfilou, Château d’Eau, Talangaï ou encore Makélékélé, les montagnes d’ordures s’élèvent au bord des routes. Les bacs à déchets manquent, les camions passent rarement, et les habitants doivent parfois brûler leurs détritus pour éviter les odeurs insoutenables.
« Ici, on vit avec les poubelles. Le ramassage ne se fait presque plus, sauf sur les grandes routes. Pourtant, nous aussi, nous faisons partie de Brazzaville », dénonce un habitant de Mfilou, visiblement excédé.
Dans certains petits marchés de quartier, la situation devient critique. Les étals de fruits et légumes côtoient des tas de déchets en décomposition, attirant mouches et rats. « C’est une question de santé publique », alertent plusieurs vendeuses rencontrées sur place.
Pourtant, le contrat de délégation de service public signé entre la municipalité et Albayrak promettait une couverture équitable du territoire urbain. Chaque zone devait bénéficier du même niveau de service. Or, dans les faits, le centre-ville semble concentrer l’essentiel des moyens matériels et humains.
Cette inégalité de traitement interroge la gouvernance urbaine. Pourquoi certaines zones bénéficient-elles d’un nettoyage quotidien, tandis que d’autres sont livrées à elles-mêmes ? Les associations de quartier parlent d’une « propreté sélective » qui privilégie les zones visibles aux dépens des populations modestes.

Face à la colère grandissante, plusieurs voix réclament une révision du contrat avec la société turque et un meilleur contrôle des prestations par les autorités locales. « L’assainissement ne doit pas être une faveur, mais un droit pour chaque citoyen », plaide un cadre de la mairie de Brazzaville.
Tant que cette inégalité persistera, la capitale congolaise continuera de montrer deux visages, celui d’un centre-ville éclatant, symbole de modernité, et celui d’une périphérie oubliée, submergée par ses déchets.
La balle est désormais dans le camp des autorités municipales et du ministère de l’Environnement, appelés à garantir un service public d’assainissement réellement équitable. Car une capitale propre ne se limite pas à ses façades : elle se juge à la propreté de ses quartiers.
🖋️ Article rédigé par Vivace MAMBOUANA