À Brazzaville, l’ancien site de la Télévision nationale renaît sous les efforts d’un homme, Hassim Tall Boukambou, qui s’est donné pour mission de sauver les archives audiovisuelles du Congo. Soutenu par l’Institut national de l’audiovisuel (INA) en France, il lutte contre l’oubli en préservant des milliers de films menacés par le temps, l’humidité et l’indifférence.
Depuis 2021, la Maison des Archives Congo (MAC), logée dans les anciens locaux de la Télé-Congo à Brazzaville, œuvre dans l’ombre à une mission essentielle : sauvegarder le patrimoine audiovisuel du pays. Cette initiative, portée par Hassim Tall Boukambou, réalisateur et entrepreneur, est adossée au projet Institut du Patrimoine et de l’Audiovisuel (IPA).
Le chantier est colossal. Près de 9.320 films ont déjà été triés, nettoyés et identifiés grâce à un partenariat technique avec l’Institut National de l’Audiovisuel (INA) en France. Mais environ 6.000 documents attendent encore leur traitement. Et pire encore, plus de 1.500 films datant des années 1960 à 1970 ont été déclarés définitivement inexploitables.
« Ce sont les archives nationales de la période post-coloniale que nous avons perdues ici, et sans doute, celles des pays frontaliers », déplore Hassim Tall, visiblement ému par ce constat amer.

Une télévision, un héritage en péril
La Télévision Congolaise, fondée en 1962, fut la première d’Afrique centrale et la deuxième chaîne en Afrique subsaharienne après le Nigéria. Elle abritait des trésors : émissions culturelles, événements politiques, concerts, débats d’époque, reportages historiques… tous stockés sur des supports obsolètes comme les BETACAM, BCN, ou U-MATIC.
Mais ces archives, entreposées dans un bâtiment délabré ( murs fissurés, plafonds béants, toiture percée, et une humidité persistante ) sont menacées de disparition définitive. Abandonnées depuis 2009, elles avaient sombré dans l’oubli jusqu’à ce que Hassim Tall décide d’agir.
En 2018, grâce à une autorisation conjointe du ministère de la Culture et des Arts et de celui de la Communication, Hassim Tall se voit confier la mission de sécuriser et numériser les archives de l’ex Télé-Congo. Son action s’étend même au Centre de formation et de recherche en art dramatique (CFRAD), dont les bâtiments venaient de s’effondrer, emportant d’autres morceaux d’histoire nationale.
C’est aussi en 2018 que le réalisateur organise une conférence à l’Académie des sciences d’Outre-mer, à Paris, sous le thème : « Valorisation des archives et innovation numérique ». Cette initiative ouvre la voie à une coopération officielle entre la France et le Congo pour la sauvegarde du patrimoine audiovisuel.

Une mémoire en lutte contre l’oubli
Malgré des moyens modestes, souvent apportés par Bonz Communications, sa propre société, Hassim Tall continue son combat. Il veut faire de la MAC un lieu vivant de mémoire, de recherche et de transmission.
Ouverte au public tous les samedis de 10h à 13h, la Maison des Archives Congo invite les citoyens, les étudiants, les journalistes, les historiens à venir redécouvrir l’histoire du Congo en images.
Le sens du devoir de Hassim Tall trouve ses racines dans l’enseignement de son grand-père, Julien Boukambou, figure indépendantiste congolaise. « Tu vas en France, tu apprends, tu reviens, et tu montres à tes amis ce que tu as vu », lui répétait-il.
C’est cette parole qui pousse aujourd’hui Hassim Tall à restaurer la mémoire visuelle du pays, et à transmettre aux générations futures ce que le temps et l’oubli menaçaient de faire disparaître.
Source Web 70